Transvésubienne 2017

Mon premier flirt avec la « Trans » remonte à 2010. Un saut dans l’inconnu conclu par un coup de foudre. Cinq ans que je n’avais plus accroché de plaque à mon guidon. Et voilà une course qui convergeait enfin avec ma vision du VTT. Une épreuve de longue haleine, difficile et technique à souhait. Des descentes éprouvantes, des portages escarpés, des ascensions sans fin. Le genre de défi, qui même si vous êtes préparés, vous réserve toujours des surprises…bonnes ou mauvaises.

Avec cinq participations dans le « rétro », j’ai appris à connaître ces impitoyables mais ô combien plaisants sentiers vésubiens. 2010, 2011, 2012, 2013, 2016… Autant d’éditions encore bien gravés dans ma mémoire suite aux conditions rencontrées ou aux émotions éprouvées lors de ce traditionnel rendez-vous du mois de mai.

Comme chaque année, mon emploi du temps tumultueux ne m’a guère laissé de temps pour affiner ma préparation. Qu’importe! Après un podium au Radon Epic Enduro, la confiance était dans les bagages. Côté matériel, 5 petites sorties, avec un destrier sélectionné « spécialement » pour l’occasion, ont suffi à valider différents choix très personnels. Pour faire court, le très séduisant Felt Edict: un tout-suspendu (120/100mm.), une tige de selle télescopique, des roues en 29 pouces en alu plutôt light (1500gr.), des pneus accrocheurs et costauds (900gr.), un cintre carbone DH (750mm.), une potence courte (50mm.), un petit plateau de 28 dents associés à une cassette 11 vitesses (10-42). Le tout pour un poids total de 12 kilos, pile-poil.

La Transvésubienne c’est aussi une histoire de retrouvailles et de partage. Cette année, je vivais  l’aventure avec Patrick Lüthi, Joakim Faiss, Florian Golay, Olivier Grossrieder & mon papa en qualité de ravitailleur de luxe. Une sacrée équipe d’helvètes valaisco-neuchâtelois qui comptabilisait à elle seule plus de 30 « TV » à son actif. Une vraie allégorie de l’expérience!

Ce millésime 2017 conviait les participants à un prologue reliant La Colmiane à St-Martin-en-Vésubie via le village de Venanson. Une mise en bouche de 12 kilomètres, 300 mètres de bosse, 800 mètres de descente. Un système de bonus, trop compliqué à expliquer, était mis sur pied. Cette entrée en matière avait une incidence minime d’un point de vue comptable. Au pire, 5 minutes pouvait être égarées sur la tête de course. Au mieux, un peu moins. Flanqué du N°4, je partais avec le dernier petit groupe des « favoris ». Plus de 35 minutes de course, l’effort a été très intense, plus qu’imaginé. Je me suis bien « employé » mais surtout savamment négocié cet écueil du week-end. Pas de casse, pas de culbute. Grimace souriante à l’arrivée, 7ème temps final et même un petit bonus temps.

Une bonne soirée pour rigoler & récupérer. Mes jambes tirent un peu, je tousse comme un gros fumeur mais je ressens pourtant une étrange sérénité. 22 heures tout juste passées, je ferme déjà l’oeil et ne l’ouvre pas avant 4 heures 15. Une première d’avant-course! C’est donc motivé et requinqué par une bonne nuit de sommeil que je prends place sur la 1ère ligne vers 05h30 sous les imposantes bâtisses de La Colmiane.

Soudain, la rubalise s’élève. Ni une, ni deux, après quelques énergétiques tours de manivelles me voilà devant la meute. Holeshot! Chicanes négociées sur le fil, je rejoins rapidement le fond de la piste de ski en compagnie de mes potes Patrick et Julien Roissard. L’affaire ne pouvait mieux débuter.

Gentiment, sans m’exciter, je chope mon rythme de croisière. Au loin, ciel rosé, les cimes du Mercantour se dévoilent. Les premiers rayons de soleil nous accueillent, les oiseaux chantent. Je suis en « trans ». Sous le Caïre Gros, le berger me pointe en 8ème position. D’étranges bruits m’interpellent. Peu après, du gros gibier coupe juste devant Patrick un peu plus avancé. Ce dernier joue de malchance avec la 1ère crevaison d’une longue série…

Le soleil pleine face demande un peu de retenue en descente. Je mène le train d’un petit groupe direction la Cime du Fort. Franchissements techniques, névés, belle ambiance! Cette portion du parcours est totalement nouvelle, je manque un peu de repères. La pente s’inverse pour de bon cette fois, je sais qu’une longue descente m’attend désormais. Il me faut un petit moment pour « me mettre dedans » avec des hectomètres un peu piégeur au début. A plusieurs reprises, je peine à voir la trace. Le 1er ravitaillement aux Granges de la Brasque est esquivé. Jérémy Gadomsky me suit de près avant de s’arrêter pour maîtriser une fuite d’air.

Désormais cette descente est un vrai régal. De la terre, des épines, des rochers, ça tape bien, le grip est bon, les nose-turns sont bien placés dans les épingles techniques. J’attaque en veillant toutefois à garder le contrôle et en roulant le plus souple possible pour éviter les crevaisons. Justement. Quelques minutes plus tard, je double Frédéric Gombert luttant sur le bas-côté. Une légère remontée permet alors de me détendre les bras et de manger tranquillement une bonne barre avant de redescendre sur le village de Pélasque. Je me sens vraiment bien et imprime un gros tempo dans cette magnifique dégringolade. Crème!

Ça revient de l’arrière! Mon pote Juju est en feu et réalise une grosse descente. Nous échangeons quelques mots à distance. A La Giandola, je marque un rapide arrêt. Mon papa me tend une gourde, une pâtes de fruit et une barre. La Vésubie est traversée, Julien me laisse passer. Je ne le reverrai plus. J’embraye d’un bon pas ce portage aux pourcentages plutôt agréables. Dans le secteur de Loda, une assez longue partie sur route bitumée donne l’occasion de se « relâcher » et de se ravitailler facilement. Suspensions bloquées, le rendement est au rendez-vous. Personne dans le viseur, ni à l’avant, ni à l’arrière.

Retour sur un sentier et Cap sur le Col de Porte! Quelques coups de cul avant de rejoindre une jolie trace en balcon qui rallie en sens inverse la seconde spéciale du samedi de l’an dernier. Je m’y retrouve un peu plus…et connais ce qu’il m’attend. L’efficacité de mon vélo me bluffe et je m’amuse sacrément à son guidon. Quel flow dans ces terres grises!

Quelques traversées de rivière dans la région de Béasse, certaines portions trop raides ou accidentées m’obligent à pousser mon vélo. Des crampes mais rien de bien méchant. Mon rythme de course m’interpelle. Serais-je trop lent? Je n’ai pas l’impression de progresser très vite dans les parties physiques mais sais aussi qu’il faut en garder sous la pédale pour le dernier tiers du parcours annoncé très corsé. Alors je continue à avancer, toujours avancer. Le plus important.

L’approche du col s’effectue en compagnie des voitures du rallye d’Antibes. Plus de 3 heures de course déjà, je ne les ai pas vu passer. Un coup d’oeil sur mon GPS, déjà près de 2000 mètres de D+. Mon organisme tient vraiment le choc, autant que mon moral. Ya bon! Ça s’agite au loin. Je remarque mon papa au bord de la route entouré d’une belle foule. Ça fait du bien! Changement de gourde, quelques gorgées de Rivella, poches remplies (barres, pâtes de fruit, dextrose) et un peu d’huile sur la chaîne. Mon paternel m’encourage et me pointe en 3ème position. Il se trompe mais ça a le mérite de me donner des ailes. Je quitte le Col de Porte revigoré en faisant un peu le show pour les spectateurs dans le premier virage gauche.

La nouvelle variante qui suit est vraiment « casse-patte ». De vraies montagnes russes! Parfois ça passe sur le vélo, parfois pas, mais je me sens encore fort malgré l’horloge qui tourne. Arrivé en poussant dans un pâturage, le doute m’envahit cependant. J’ai beau scruter partout, pas de flèche blanche sur fond rouge en vue et pas de traces au sol. Ma voix s’élève. Et comme par miracle apparaît (enfin) le premier VAE (vélo assistance électrique) parti 45 minutes après nous. Il s’agit de Kenny Müller, un local qui a déjà fait des recos du parcours. Ouf! Je prends son sillage quelques instants.

Cette portion du parcours s’avère toute fraîche sans véritable sentier, et devant se dresse un sérieux mur et un portage un peu scabreux où je n’envie de loin pas les concurrents « motorisés ». Le pas toujours conquérant, je rejoins enfin une piste et un environnement moins hostile qui me permet de remonter sur mon vélo. Pas pour longtemps! La transition est atroce. Je lutte pour continuer d’avancer jusqu’à ce que la pente menant à la Cime du Plan Ribert devienne trop raide. Plus possible. Je reprends la marche à pied tel un pantin désarticulé mais les crampes finissent par me lâcher. Entre temps, Flo Golay et Mehdi Gabrillargues m’ont doublé. La bataille « électrique » fait rage.

Un nouveau portage qui fait du « bien ». J’attends d’être sûr de pouvoir rester sur mon destrier plus que 20 secondes pour le chevaucher à nouveau. Un peu de répit désormais dans les forêts vallonnées sous la Cime de Rocca Sièra, idéal pour s’alimenter. Un 4ème VAE, Kieran Page, me double et m’encourage. La vue est splendide et dégagée. Un dernier pâturage avant de rejoindre un secteur très cassant et une descente exigeante sous Rocca Sparvierà. Gare à la faute! Il faut bien placer le vélo et piloter fin. Je prends un malin plaisir à attaquer gaiement me prenant pour Aladin sur son tapis volant. Juste énorme!

La brève remontée au Col St-Michel est avalée dans la foulée. Plein gaz sur Coaraze! Friand de Viking Métal, je me surprends à avoir ce  > morceau de musique < en tête durant une bonne partie de la course. Le single défile vite et le terrain évolue. Très sec et fuyant, je prends garde à modérer mes envies de sensations fortes. En contrebas, le pittoresque village apparaît. Sa tranquillité à peine perturbée par les bruits de moteur du rallye.

Ravito 3, 55 kilomètres, bientôt 5 heures de « balade », des encouragements bienvenus. Un verre d’eau à la volée, rien besoin d’autre. Je me sens suffisamment déterminé et armé pour continuer ma route. Un long bout de piste sous le soleil. Plus bas, il sonne 11 heures au clocher de Coaraze. Je tourne la tête pour faire un petit « état des lieux » mais personne à l’horizon. A la fameuse jonction, sur la base de renseignements glanés sur un forum Internet, j’opte pour l’option « portage » plus rapide que la piste. Je sais qu’il s’agit de la dernière grosse « difficulté » et repense à mes innombrables portages alpins de plusieurs heures pour relativiser cette petite marche de 10 minutes environ.

Une fois en haut, pas le temps de se prélasser, le chemin roule très mal. De grosses marches, des pierres mal placés, des buissons piquants. Il y a de quoi faire une regrettable erreur et y laisser son dérailleur ou son épiderme. Je gère et reste également attentif au fléchage qui me surprend plus d’une fois. Néanmoins lucidité et vivacité ne m’ont pas encore quitté, ce qui me ravi pleinement!

Colla Bassa franchie sur le vélo, la zone du Férion nous offre un vrai labyrinthe. Mon regard scrute de plus en plus mon compteur et mon profil. Malgré les secousses, j’essaie d’y déceler la taille des dernières bosses qui semblent ridicules. Ça pousse, ça porte, ça relance. Même si la motivation demeure, j’ai hâte d’en finir. A Terra Forte, on me pointe 5ème, m’annonçant le 4ème pas très loin. Je me disais bien.

Le sentier menant au Col de Châteauneuf est terriblement cassant mais je prends un monstre « fun » en trouvant les bonnes lignes avec une rare décontraction. Il y a un peu de public au bord du chemin, ça fait plaisir après ces longues heures esseulé. Pied sorti, gros drift sur la piste avant de plonger sur le dernier ravito. Pas de « break », bien que je suis presque « à sec », il reste à peine plus de 10 kilomètres. Et l’analyse du profil, certes scabreuse , n’indique pas de côte particulière. Je profite de l’élan pour attaquer cette montée sur bitume en puissance. Au loin, un coureur apparaît. Son allure semble plus vacillante. La jonction va s’opérer.

N°3 accroché dans le dos. C’est Benoît Vaxelaire. 5ème scratch l’an dernier, il m’a devancé de 45 secondes la veille lors du prologue. Je parviens à le doubler sous le Mont Macaron sur ce beau sentier en balcon ponctué de sévères remontées. Il s’accroche mais finit par céder et j’en remets une couche dans la descente bien technique qui suit. Regard sur l’épaule, plus personne. Yes!  Mais ça remonte encore sur une sente défrichée avant de rejoindre une route goudronnée en faux-plat montant. Encore pédaler, encore appuyer. Un énième contrôle en arrière me confirme que la « menace » a définitivement disparu.

J’entends désormais la sono et devine plus bas le stade de la Lauvette. J’y suis. Magique! Il me reste à négocier ce dernier secteur annoncé comme très périlleux. En effet, forte pente, grosses cassures, dévers, épingles. Pas un monstre flow, je pense surtout à pas me blesser inutilement alors que la messe est dite! Je veux juste rejoindre cette foutue ligne d’arrivée et savourer ce moment. Une dernière chicane et un beau wheeling pour parachever cette course qui aura été un « doux » rêve du début à la fin! Comme si les plus de 90 épreuves disputées en 7 ans avait participé à la construction de cette épopée à la saveur unique. 4ème scratch sur cette chère Transvésubienne, c’est fait!

Après quelques mots au micro, intense accolade avec mon papa. Son assistance lors de chaque édition n’a pas de valeur. Mains ensanglantées, Flo Golay vient me féliciter à son tour. Moins de réussite pour lui (4ème) alors qu’il menait le bal en catégorie VAE. Il n’en demeure pas moins un modèle qui a su me transmettre sa sciences et sa passion pour le « vrai » VTT. Quelques minutes plus tard, Olivier Grossrieder, contraint à l’abandon, me congratule à son tour. Lui à qui je dois une fière chandelle pour le soutien matériel dont je bénéficie aujourd’hui.

Une petite demi-heure plus tard, Patrick Lüthi coupe la ligne en 10ème position malgré ses 4 crevaisons… L’homme au coup de guidon coup fulgurant rate un podium quasi promis. Ce n’est que partie remise, à n’en pas douter! Julien Roissard, costaud, finit 14ème, ému. Tandis que Joakim Faiss termine dans la douleur après une grosse chute dans la redoutée partie finale. Deux grosses coupures l’obligeront à passer la nuit à l’hôpital. Mais il signe un podium en catégorie Master malgré tout!

A peine sorti d’une douche réparatrice, je suis appelé sur la scène. Et plutôt 3 fois qu’une. Vainqueur en catégorie « senior », vainqueur par équipe (avec Patrick et Joakim) et surtout 4ème scratch. Fier de partager cette belle « boîte » avec des tops pilotes. Coup de chapeau à Mr. Chenevier pour cette incroyable 5ème victoire. L’exploit est à la hauteur de la sympathie et la simplicité du gaillard, bravo Alexis. L’heure est au champagne!

Félicitations à tous les « braves », finishers ou non. Et merci à l’organisation pour cette TransV 2017 de très haute qualité, un bijou de parcours.

Avec cette nouveau succès, je boucle en beauté ma « campagne française » de début de saison composée notamment de courses de légende ou hors-normes comme la Transvésubienne ou l’Epic Enduro. Particulièrement heureux d’avoir pu enfin atteindre des objectifs que je poursuivais depuis quelques saisons.

Définitivement bien amorcé, l’exercice 2017 se poursuit avec encore de belles courses au programme. A commencer par l’Enduro Jura by Julbo suivi par les 2 premières manches de l’Enduro Heleveti’Cup: Rock The Besso & La Chablatz.

Bon ride & à bientôt!

Emmanuel

© photos / Greg GermainCyril CharpinArt-ReflexATBDC – Simons Pages – Madeleine Nobs

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